Guerre en Ukraine : pourquoi Moscou multiplie les offensives dans l’Est

A Kharkiv, après une attaque de missile russe, vendredi 10 mai.

A Kharkiv, après une attaque de missile russe, vendredi 10 mai. VYACHESLAV MADIYEVSKYY/SIPA

Décryptage  Les Russes, qui ont clairement repris l’avantage depuis de nombreuses semaines, redoublent d’effort à l’approche des livraisons militaires promises à l’Ukraine. En face, les troupes de Kiev sont épuisées. Jusqu’à quand pourront-elles tenir ?

Depuis le milieu de l’hiver, l’expression était reprise en boucle par les commentateurs de la guerre en Ukraine : le risque de « défaite » de Kiev semblait « possible », « élevé », « probable ». Parmi les importantes et récentes prises de paroles pessimistes, celle du directeur de la CIA, William Burns, qui mettait en garde le 18 avril : « Sans aide supplémentaire, la situation sera bien plus désastreuse », affirmait le chef du renseignement américain deux jours avant le vote capital à la Chambre des Représentants d’une enveloppe de 61 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine bloquée par les élus depuis des mois. « Le risque est très réel, ajoutait-il, que les Ukrainiens perdent sur le champ de bataille d’ici la fin de 2024 », sans préciser ce qu’il entendait par « perdre ».

A la veille d’un vote crucial pour la fourniture d’aide militaire, ces propos pouvaient apparaître comme un argument supplémentaire destiné à pousser les élus américains à débloquer enfin les fonds. Malheureusement pour Kiev, la réalité du terrain donnait, et donne encore, du poids à la déclaration de William Burns.

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Tout l’hiver, les forces ukrainiennes ont dû lutter pied à pied contre les incessantes attaques russes le long de la ligne de front à l’est et au sud du pays, mais aussi au cœur même du territoire pour détruire les missiles visant les installations clés. Les troupes, insuffisamment relayées depuis deux ans, sont épuisées. Les réserves de munitions s’amenuisent, celles des missiles antimissiles capables de bloquer les frappes russes avant qu’elles n’atteignent leur cible, mais également les plus petits calibres destinés aux affrontements directs. Des éléments qui expliquent pourquoi les annonces de progression des troupes de Moscou se sont succédé toute la fin de l’hiver et début du printemps.

Après la prise d’Avdiivka en février dernier, les forces russes ont grignoté les environs, prenant le contrôle de Soloviove et d’Otcheretyné, à 12 km au nord. Moscou a démultiplié les attaques. Selon le dernier bilan du ministère de la Défense britannique, ces dernières ont augmenté de 17 % dans l’Est de l’Ukraine entre mars et avril et même de 200 % autour de la ville de Tchassiv Yar, dont Moscou avait prévu – en vain – la conquête avant le 9 mai, jour des commémorations de la victoire sur l’Allemagne nazie en Russie. Verrou stratégique clé, Tchassiv Yar est devenu un objectif capital. Car Moscou cherche avant tout à consolider ses positions avant l’arrivée des nouvelles séries d’aide occidentale.

Des conquêtes russes relativement réduites en termes de terrain

Après la validation par le Congrès américain du plan d’aide de 61 milliards, un premier envoi – « munitions pour la défense aérienne, de l’artillerie, des systèmes de roquettes et des véhicules armés », a détaillé Joe Biden – a été opéré pour un montant d’environ 1 milliard, selon plusieurs médias américains.

Conscient d’être engagé dans un contre-la-montre face aux nouvelles livraisons de matériel occidental, Moscou a donc multiplié ces dernières semaines les initiatives. Aux offensives autour d’Avdiivka, les Russes ont ajouté des frappes stratégiques visant les plus gros nœuds ferroviaires afin de gêner les transferts d’armes et d’hommes de l’Ouest du pays vers le Donbass. Et ces derniers jours, une nouvelle offensive terrestre a également été lancée dans la région de Kharkiv, cherchant à créer, selon une source au sein du commandement militaire ukrainien à l’AFP, une « zone tampon » destinée à empêcher Kiev de frapper la région russe frontalière de Belgorod. Les Ukrainiens ont en effet multiplié ces dernières semaines les attaques de drones explosifs côté russe. Lundi 6 mai, une frappe de ce type avait fait huit morts et trente-cinq blessés.

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En réalité, si les Russes ont clairement l’avantage depuis de très nombreuses semaines, leurs avancées sont loin de constituer une débâcle pour les Ukrainiens. Au contraire, selon le ministère de la Défense britannique, les conquêtes russes sont relativement réduites en termes de superficie. Les Ukrainiens sont en effet parvenus à limiter les pertes à 85,85 km² en avril, soit moins de 0,01 % de la surface totale du pays, ce que Londres qualifie de « gains tactiques mineurs », « certainement au prix de lourdes pertes » côté russe.

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Mais combien de temps les Ukrainiens pourront-ils encore tenir ? Plus que jamais, le besoin des livraisons de munitions est criant. Au risque de comprendre ce que le mot « défaite » pourrait signifier.

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