On décrypte les tensions à Kaliningrad, bastion militaire russe au cœur de l’Union européenne

L’enclave de Kaliningrad, extrêmement militarisée depuis 2014, est située entre la Pologne et la Lituanie.

L’enclave de Kaliningrad, extrêmement militarisée depuis 2014, est située entre la Pologne et la Lituanie.  MONTAGE/M.LANDAZ/L’OBS

Décryptage  VIDÉO. L’enclave russe sur la Baltique, nichée entre la Pologne et la Lituanie, est touchée depuis mi-juin par les sanctions européennes liées à l’offensive de Moscou en Ukraine. Le Kremlin dénonce un blocus et menace de représailles.

Les sanctions européennes commenceraient-elles à irriter Moscou ? En introduisant des restrictions sur le transit de certaines marchandises vers Kaliningrad, l’Union européenne (UE) a touché un point sensible de la sécurité russe. Cette enclave de la taille de la Corse, coincée entre la Pologne et la Lituanie, constitue pour Moscou un avant-poste stratégique sur la mer Baltique. Kaliningrad est ravitaillée par voie ferroviaire, à travers le territoire lituanien, depuis la Russie. Mais, depuis mi-juin, Vilnius bloque certains produits – indispensables à l’entretien de l’appareil militaire –, conformément aux sanctions européennes.

Moscou dénonce un blocus et promet des représailles, tandis que l’Otan vient d’annoncer le renforcement de sa présence militaire dans la région. Alors, la petite enclave peut-elle mettre le feu aux poudres ? Décryptage dans la vidéo ci-dessous, avec les éclairages de Carole Grimaud Potter, spécialiste de la géopolitique russe :

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Grâce à ses ports libres de glace toute l’année, Kaliningrad abrite depuis l’époque soviétique le siège de la flotte de la Baltique. Après la chute de l’URSS en 1991, l’indépendance des pays baltes a coupé le territoire du reste de la Russie. Mais la nouvelle fédération a tenu à conserver son enclave, perçue comme un avant-poste au cœur de l’Europe.

Forteresse militaire

Après l’invasion de la Crimée en 2014, l’Otan a renforcé sa présence dans les pays Baltes et en Pologne, ces Etats craignant l’expansionnisme russe. En réponse, l’enclave de Kaliningrad s’est muée en forteresse militaire, avec le déploiement de missiles Iskander et d’un important dispositif défensif. D’une portée de 400 à 500 kilomètres, ils menacent directement les pays baltes, mais aussi la Suède et la Finlande.

La tension était encore montée d’un cran au début du mois de février, juste avant l’invasion de l’Ukraine, avec la mise en place de missiles Kinjal, capables de transporter des ogives conventionnelles et nucléaires. D’une portée annoncée de 2 400 kilomètres, ils pourraient frapper toutes les capitales européennes, à l’exception de Madrid et Lisbonne.

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Dans ces conditions, les sanctions européennes sur sa précieuse enclave ont fortement irrité le Kremlin, qui y voit « un acte hostile » et dénonce une violation des traités internationaux. Le transit ferroviaire entre Moscou et Kaliningrad était effectivement garanti par un accord négocié en 2002, en contrepartie de l’adhésion de la Lituanie à l’UE. La Russie a promis des représailles, qui pourraient prendre la forme de sanctions économiques sur la Lituanie.

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Le corridor de Suwalki, talon d’Achille de l’Otan

Mais ce n’est pas tout : Moscou pourrait s’attaquer au corridor de Suwalki, véritable talon d’Achille de l’Alliance atlantique dans la région. Cette bande d’une soixantaine de kilomètres est le seul passage terrestre reliant la Pologne aux trois pays Baltes. « Si elle tombait sous contrôle russe, l’Otan serait obligé de passer par la mer ou par les airs pour défendre les pays baltes en cas de tentative de déstabilisation », explique Carole Grimaud Potter, spécialiste de la géopolitique russe.

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Mais, la prise du corridor de Suwalki constituant un acte de guerre contre deux pays de l’Otan, la Russie pourrait aussi user de moyens de déstabilisation plus hybrides, comme elle l’a déjà fait par le passé, estime Carole Grimaud Potter. A la fin de l’été de 2021, la Biélorussie avait poussé des milliers de migrants à la frontière lituanienne mais surtout polonaise. Un scénario qui pourrait se répéter dans le corridor de Suwalki. « Ces milliers de civils pourraient alors constituer un bouclier humain pour les militaires russes afin d’établir de facto un passage entre Kaliningrad et la Biélorussie », s’inquiète Carole Grimaud Potter. En réponse à cette montée des tensions, la Suède et la Finlande, deux pays traditionnellement pacifistes, vont rejoindre l’Otan, après la levée du veto turc.

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