Vers une carte « famille monoparentale » ?

Une famille française sur quatre est monoparentale. Une responsabilité qui incombe dans 82 % des cas à une femme.

Une famille française sur quatre est monoparentale. Une responsabilité qui incombe dans 82 % des cas à une femme. JACQUES LOIC / PHOTONONSTOP VIA AFP

Décryptage  Ce jeudi 28 mars, la délégation sénatoriale aux droits des femmes a dévoilé un rapport sur les familles monoparentales. Parmi ses recommandations figure l’idée d’une carte donnant accès à des tarifs préférentiels, sur le modèle de la carte famille nombreuse.

En France, les familles monoparentales sont nombreuses. Très nombreuses. Selon les chiffres du dernier recensement, pas moins de 2,1 millions de familles et 3,1 millions d’enfants mineurs vivent, au moins la moitié du temps, avec un seul parent. Cela représente une famille française sur quatre. Et dans 82 % des cas, une femme en est à la tête.

Si les chiffres sont éloquents, ce modèle familial souffre encore d’un manque de reconnaissance et de politiques publiques impactantes. En effet, monoparentalité rime souvent avec isolement, stigmatisation et précarisation. Comment y remédier ? Alors que le 6 mars dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a confié une mission sur la question à deux parlementaires Renaissance, la députée Fanta Berete et le sénateur Xavier Iacovelli, la délégation sénatoriale aux droits des femmes vient, quant à elle, de dévoiler, ce jeudi 28 mars, un rapport d’information sur le sujet.

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Une carte famille monoparentale ?

Après avoir auditionné une quarantaine d’acteurs du secteur pour cette mission flash qui aura duré trois mois, le texte émet dix recommandations. On y trouve une remise à plat des aides sociales pour gommer certaines incohérences (notamment le risque de baisse des ressources lorsque le parent se remet en couple) ; le développement d’habitats partagés ; un meilleur accès aux dispositifs d’aides à l’insertion professionnelle. Ou encore une réévaluation du barème de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant (CEEE), la fameuse « pension alimentaire », versée de plein gré ou par décision de justice, par l’un des deux parents – dont le montant moyen est de 190 euros par mois et par enfant.

Parmi les recommandations, figure la mise en place d’une carte famille monoparentale qui fonctionnerait, un « peu à la manière de la carte famille nombreuse », explique la sénatrice Colombe Brossel, membre de la délégation, lors de sa présentation. Un « outil facile », dont les contours restent flous, mais dont l’obtention relèverait d’une démarche « volontaire et facultative » et d’un « renouvellement annuel ». L’idée avait déjà été évoquée par la députée Renaissance Fanta Berete, lors d’un entretien accordé à « la Croix » en mai 2023.

Tarifs préférentiels, logements, mode de garde

Concrètement à quoi pourrait bien servir une telle carte ? Elle pourrait permettre, toujours selon ce rapport, de bénéficier de tarifs préférentiels à certains services, comme les transports publics, les cantines scolaires, les centres de loisirs, les activités culturelles, sportives, mais aussi les mutuelles.

Au niveau professionnel, toujours sur présentation de cette carte, les employeurs pourraient également proposer, dans le cadre de leur politique de Responsabilité sociétale ou sociale des Entreprises (RSE), des mesures prenant en compte cette monoparentalité, comme la mise en place d’horaires aménagés ou le doublement des jours pour enfants malades. L’initiative est louable quand on sait que, d’après une enquête de l’Observatoire de la Qualité de Vie au Travail de 2020, 54 % des salariés en situation de monoparentalité estiment que leur situation a un impact sur leur vie professionnelle et que 20 % déclarent avoir subi des discriminations.

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Cette carte permettrait également un meilleur accès aux logements sociaux. Car si les familles monoparentales ont plus de chance de se voir attribuer un logement, celle-ci n’est que légèrement supérieure (+6 %) par rapport à un couple avec enfant.

Enfin, elle faciliterait l’accès à un mode de garde (crèches publiques ou assistantes maternelles) et ainsi favoriser le « retour à l’emploi ». « Le principal frein à l’accès aux dispositifs d’insertion professionnels ou à l’emploi, c’est de ne pas avoir de mode de garde », souligne Colombe Brossel. Une proposition qui aurait des conséquences bénéfiques sur les conditions de vie des parents solos. En effet, selon l’Insee, 41 % des enfants issus de familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. C’est 2,5 fois plus que les familles dont la responsabilité incombe à un couple.

La délégation des droits de la femme recommande une expérimentation de cette carte afin d’en évaluer « l’impact et le coût », sans pour autant suggérer les départements qui pourraient y participer. « J’espère que ce sera suivi d’effet. Ça ne sert à rien de faire de la politique, si ce n’est pas pour changer le monde », a conclu Dominique Vérien, sénatrice de l’Yonne (UDI) et présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes.

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