« Slow Horses », « Reindeer Mafia »… Les séries à voir (ou pas) sur les plateformes cette semaine

Gary Oldman dans « Slow Horses - saison 3 »

Gary Oldman dans « Slow Horses - saison 3 »  (APPLE TV +)

Et aussi « Tout pour Agnès », « Culprits : arnaque à l’anglaise », « Pamela Rose »… Ne ratez rien des nouveautés disponibles sur Canal+, Netflix, Disney+, Apple TV +, Amazon ou autres.

« Slow Horses - Saison 3 »

Toujours brillamment incarné par Gary Oldman, Jackson Lamb, l’affreux, sale et méchant chef de la section des agents britanniques mis au rebut par le MI5, mérite de figurer au panthéon des meilleurs espions fictifs au service de Sa Majesté. Pour la troisième saison, son équipe de laissés-pour-compte revanchards est confrontée à une fuite de données stratégiques survenue à Istanbul ainsi qu’au kidnapping de Catherine Standish (Saskia Reeves), l’élément a priori le plus inoffensif du bureau.

Dès la séquence d’ouverture en Turquie, on pressent que cette adaptation du roman de Mick Herron « Real Tigers » sera du même tonneau que les précédentes, comme les whiskys que s’enfile Jackson Lamb à longueur de journée : un nectar complexe, vif et addictif.

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Mais à constater la part croissante d’action au fur et à mesure des épisodes, on craint que la série se dénature : elle n’est en effet jamais aussi jouissive que lorsqu’elle installe Jackson Lamb et ses branquignols dans le QG miteux de Slough House, où ils végètent, dans le sous-sol des bureaux ultramodernes du MI5, où s’enchaînent complots, invectives et trahisons - en particulier quand la grande patronne (Sophie Okonedo) et son adjointe (Kristin Scott Thomas), deux virtuoses de la stratégie d’étouffement de l’adversaire, viennent pimenter le tout.

Il n’empêche, on reste preneur de ces six savoureux épisodes, au point de rêver à une éventuelle cinquième saison (la quatrième est d’ores et déjà tournée), et même d’un spin-off centré sur le seul Jackson Lamb afin de répondre à cette autre question existentielle : d’où peut venir un tel olibrius ?

  « Slow Horses », série d’espionnage britannique de Will Smith (2023). Avec Gary Oldman, Saskia Reeves, Kristin Scott Thomas, Sophie Okonedo. 6 épisodes. Disponible sur Apple TV +.

« Reindeer Mafia »

Aake Kalliala et Samuli Edelmann dans « Reindeer Mafia »

Aake Kalliala et Samuli Edelmann dans « Reindeer Mafia » KAIHO REPUBLIC/TRADE MEDIA

De sublimes étendues enneigées aux confins de la Finlande et de la Norvège, un terrifiant patriarche obsédé par sa fortune et son territoire, de confortables chalets où chacun garde le silence, un gang de bikers en motoneige, des trafics louches à la frontière… En quelques minutes, le décor de cette étonnante série finlandaise est planté et la mécanique de ce polar glacial et drôle, enclenchée.

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Tiré du roman « Poromafia », de Mikko-Pekka Heikkinen, le scénario est assez classique : il s’agit pour deux générations d’une même famille de solder un héritage aussi encombrant que mortifère. Après le décès de la puissante mère de famille, Brita (Rea Mauranen), régnant sur d’immenses plaines où paissent de paisibles et précieux rennes, son mari, le terrible Rouku (Aake Kalliala), et ses enfants découvrent un testament qui fait exploser tout l’édifice familial.

Cet événement intervient au moment où Sameli (Samuli Edelmann), le fils aîné, héros de la série, sort de prison après avoir purgé une peine pour meurtre. Ex-simili Hells Angel reconverti dans le tourisme vert, le gaillard va devoir ferrailler dur pour récupérer sa part du gâteau…

Mêlant un regard presque anthropologique sur les mœurs violentes des grandes familles de propriétaires terriens de Laponie, une intrigue efficace et un humour corrosif, « Reindeer Mafia » coche toutes les cases d’un bon polar. Et révèle au public français une pléiade d’acteurs de talent comme la ténébreuse Anna-Maija Tuokko (dans le rôle de l’ex du héros), Aake Kalliala, parfait en paterfamilias vénal, ou le Suédois Mikael Persbrandt dans la peau du chef mafieux.

« Reindeer Mafia », série finlandaise de Mika Kurvinen (2023). Avec Samuli Edelmann, Anna-Maija Tuokko, Aake Kalliala, Rea Mauranen. 8 épisodes. Disponible sur Polar +

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« Culprits : arnaque à l’anglaise »

Tara Abboud, Nathan Stewart-Jarrett, Gemma Arterton et Kirby Howell-Baptiste dans « Culprits : arnaque à l’anglaise »

Tara Abboud, Nathan Stewart-Jarrett, Gemma Arterton et Kirby Howell-Baptiste dans « Culprits : arnaque à l’anglaise » DES WILLIE / DISNEY

« Culprits » exploite sans génie le filon du casse impossible qui se réalise malgré tout et l’un de ses effets domino attendus : la trahison d’un membre de l’équipe, charriant son lot de cadavres et de subterfuges spectaculaires. A cela s’ajoute un amas de motifs et autres tartes à la crème stylistiques vus partout ailleurs.

Les films de Quentin Tarantino et de Guy Ritchie y sont abondamment cités, au moins autant que dans « La casa de papel », ce vertigineux et sympathique digest de la culture pop à côté duquel « Culprits » passe pour une photocopie de photocopie. Sommet de siphonnage paresseux : le décalque féminin du personnage du Professeur, fameux deus ex machina de la série espagnole, est surnommé ici « Brain » (circonstance aggravante, son interprète, la charmante Gemma Arterton, en fait des tonnes).

Reste l’époustouflante prestation de Nathan Stewart-Jarrett, dont le talent stratosphérique est une raison plus que valable de se montrer un peu plus indulgent. L’acteur, révélé post-ado en petite frappe dans l’excellente série « Misfits » (2009), est incroyable de densité, passant de la sérénité apparente d’un paisible petit pacha à une paranoïa galopante une fois rattrapé par le sombre passé de son personnage.

Le miracle s’arrête là : « Culprits » préfère, hélas, s’appliquer à rouler des mécaniques plutôt qu’à s’appuyer sur son charisme insolent.

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« Culprits : arnaque à l’anglaise », série britannique de Jonathan Blakeson et Claire Oakley (2023). Avec Nathan Stewart-Jarrett, Gemma Arterton, Ned Dennehy, Kirby Howell-Baptiste. 8 épisodes. Disponible sur Disney + .

« Love & Death »

Elizabeth Olsen dans « Love & Death 

Elizabeth Olsen dans « Love & Death  » (WARNER)

Rarement deux séries traitant du même sujet de façon presque identique ont été diffusées avec une telle proximité. Alors que Disney + proposait, il y a tout juste un an, « Candy : meurtre au Texas », récit détaillé et haletant d’un adultère se transformant en vengeance sanglante dans l’Amérique profonde des années 1980, voilà que Canal + remet le couvert avec « Love & Death », une autre adaptation, tout aussi recommandable, du même fait divers - l’histoire d’une épouse et mère de famille texane respectée et d’apparence équilibrée, qui tue la femme de son amant d’une quarantaine de coups de hache. Cette quasi-simultanéité révèle combien le « true crime » est un genre convoité mais aussi inspirant pour les chaînes et les plateformes.

Sous la houlette de David E. Kelley, le créateur de la remarquable « Big Little Lies », la série serpente au gré de ses sept épisodes entre plusieurs causes possibles à sa folle issue. Incarnée avec grâce et conviction par une Elizabeth Olsen à son meilleur, Candy, qui aspire à plus d’indépendance, est soumise à une injonction sociale énorme pour devenir « une mère et une ménagère parfaite ».

Une doxa qui n’épargne aucune résidente de cet étouffant patelin, caricature effrayante mais réelle d’un American way of life concentrationnaire : les femmes y passent sans transition de la cuisine au supermarché et à l’église, un terrain propice pour, au mieux, rêver de subvertir la normalité ambiante, au pire, péter gravement les plombs. Candy passe ainsi d’un labyrinthe à l’autre, l’un social, l’autre mental, avant d’affronter celui de la justice. Ce n’est pas un hasard si l’affiche du film « Shining » apparaît un instant à l’écran : « Love & Death » ne raconte rien d’autre qu’une lente et implacable aliénation.

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« Love & Death », série américaine de David E. Kelley (2023). Avec Elizabeth Olsen, Jesse Plemons, Lily Rabe, Krysten Ritter. 7 épisodes. Disponible sur Canal +, My Canal.

« Tout pour Agnès »

Michèle Laroque, Yannick Choirat, Marc Arnaud et Marion Creusvaux dans « Tout pour Agnès »

Michèle Laroque, Yannick Choirat, Marc Arnaud et Marion Creusvaux dans « Tout pour Agnès » NATHALIE GUYON - FTV - LA DAME DE COEUR

C’est un beau coup. Alors que Paramount +, la dernière-née des plateformes disponibles en France, se cantonne le plus souvent aux séries américano-américaines, elle démontre que son savoir-faire (allié à celui de France 2, futur diffuseur du programme en janvier prochain) peut également faire mouche avec une histoire purement française.

Et quelle histoire ! Depuis 1977, la disparition d’Agnès Le Roux, jeune héritière du casino le Palais de la Méditerranée, hante la ville de Nice et la Côte d’Azur. En pleine guerre des casinos enclenchée par le milieu, la jeune femme n’a plus donné signe de vie et une très longue enquête aux multiples rebondissements a fait de son amant et conseil d’alors, Maurice Agnelet, le principal suspect. Il ne sera condamné définitivement qu’en 2014 à l’issue d’un sinusoïdal marathon judiciaire.

De ce matériau d’une très grande richesse, les scénaristes Nicolas Jean, Isabelle Dubernet et Olivier Eloy ont privilégié une version aussi courte (4 épisodes) qu’efficace, centrée sur l’affrontement entre Agnelet et Renée Le Roux, la mère de la disparue à la tête du casino. De la même manière, la réalisation de Vincent Garenq va à l’essentiel, elle colle aux personnages et ne se perd pas comme d’autres séries dans la fascination pour l’époque qu’elle filme.

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En matriarche à la poigne de fer, Michèle Laroque, elle-même originaire de Nice, trouve peut-être là le meilleur rôle de sa carrière, à mille lieues des mauvaises comédies où elle apparaît régulièrement. Face à elle, Marie Zabukovec compose une victime pleine d’énergie et Yannick Choirat trouve l’équilibre idoine entre séduction et perversité pour donner vie à un très convaincant Maurice Agnelet.

On regrette simplement que le passé de cet homme hanté par la mort n’ait pas été plus creusé. Il n’empêche, ce n’est pas tous les jours qu’une série peut avancer qu’elle a fait mieux sur le même sujet qu’un film d’André Téchiné, « L’homme qu’on aimait trop », sorti en 2014.

« Tout pour Agnès »série française de Vincent Garenq (2023). Avec Michèle Laroque, Yannick Choirat, Marie Zabukovec, Yannig Samot. 4 épisodes. Disponible sur Paramount +

« Pamela Rose, la série »

Kad Merad et Olivier Baroux dans « Pamela Rose »

Kad Merad et Olivier Baroux dans « Pamela Rose » (JULIEN PANIÉ /CANAL +)

« Qui a tué Pamela Rose ?  » est un peu l’acte de naissance comique de Kad et Olivier, première fulgurance radiophonique remarquée du duo naissant (sur Oüi FM), au début des années 1990.

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Imaginé à l’origine comme une parodie débraillée (et donc aveugle) de « Twin Peaks », le concept a été depuis reconfiguré à toutes les sauces, au fil des échelons franchis par les deux humoristes durant leur carrière, d’une enfilade de sketchs sur la chaîne Comédie ! au début des années 2000 à deux longs-métrages sortis en salle peu après.

Qu’attendre donc de cet énième recyclage, formaté cette fois aux séries ? La renaissance inattendue de Kad et Olivier, aimable petit monstre à deux têtes rescapé d’une époque révolue (l’esprit Canal de l’ère pré-Bolloré, cette fin de l’âge d’or d’une télévision encore considérée jusque-là comme un grand laboratoire du rire), binôme qu’on croyait scindé pour toujours puisque l’un n’avait plus tellement besoin de l’autre : alors qu’Olivier prospère comme réalisateur d’une franchise autrement plus juteuse, celle des « Tuche » (quatre films), Kad s’épanouit comme acteur de composition (« Baron noir ») quand il ne s’exporte pas à la concurrence des comiques, chez Dany Boon notamment.

Par-delà ce sympathique retour aux affaires, « Pamela Rose » profite à plein du sens de l’absurde et du kitsch chers aux créateurs du Kamoulox : son imaginaire fun et coloré, qui tourne en dérision les archétypes de films américains, raille avec vivacité notre complexe d’infériorité bien français (Kad, alias Richard Bullit, roule en Renault Fuego, ce ridicule emblème beauf des années 1980).

Malins, nos deux rigolos ont bien conscience des stigmates du temps qui passe : ils lardent l’ensemble de guests issus de la nouvelle génération (Panayotis Pascot, Jonathan Cohen, Claudia Tagbo) et densifient la ringardise ambiante par leur méconnaissance crasse de la culture web.

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Ressort efficace, un de plus : si l’âge ne bonifie pas réellement Kad et Olivier, elle n’affaiblit en rien leurs forces vives de petits clowns toujours bons pour le service.

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« Pamela Rose, la série », série française d’Olivier Baroux, Kad Merad, Julien Rappeneau et Martin Darondeau (2023). Avec Kad Merad, Olivier Baroux, Shirine Boutella. Disponible sur Canal +, My Canal.

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