« Le Temps des paysans », cultiver, lutter et rêver
Ouvriers agricoles à Ferrare, Emilie-Romagne, Italie, vers 1954 dans « Le Temps des paysans » © ANDO GILARDI / FOTOTECA GILAR
Critique Une remarquable série de Stan Neumann sur l’histoire du monde rural en Europe. Le premier épisode démarre à la chute de l’Empire romain. Ce soir à 20h55, sur Arte.
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Après une remarquable série consacrée au mouvement ouvrier en Europe (« le Temps des ouvriers », 2020), Stan Neumann poursuit, avec la même exigence, l’exploration des mécanismes historiques de l’oppression et de l’émancipation dans le monde paysan.
Dans cette somme dense et riche en informations qui retrace des siècles de luttes, de solidarité et de rêves, le documentariste croise avec habileté interviews d’historiens, archives anciennes et contemporaines (peintures, ouvrages religieux, extraits de films ou chansons populaires…) et savoureuses séquences d’animation (réalisées par Joris Clerté), créant en permanence des ponts entre passé et présent.
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De la graine au légume
« Les communautés villageoises du haut Moyen Age sont inégalitaires comme les nôtres, explique l’historien italien Massimo Montanari dans le premier épisode qui débute sur les ruines de Rome, mais elles savent aussi être solidaires, pratiquant ce qu’on a appelé un communisme rural, réponse originale à la question paysanne par excellence : à qui appartient la terre ? » Sous l’Empire romain, l’agriculture repose sur de grands domaines où trime une main-d’œuvre d’esclaves qui alimentent en vin, huile et céréales des villes de plusieurs centaines de milliers d’habitants.
Au Moyen Age, période souvent décrite comme obscure et ravagée par la famine et la pauvreté, les paysans regroupés en communautés savent produire à la mesure de leurs besoins mais se heurtent déjà aux visées productivistes des seigneurs, propriétaires terriens. Tout au long des siècles, la question de la terre et de son usage traverse ce monde paysan maintenu par les dominants dans l’assujettissement et l’ignorance alors qu’il nourrit la société entière, parfois avant ses propres enfants.
Une problématique toujours d’actualité que Morgan Ody, agricultrice bretonne, exprime à sa manière :
« On a des salaires de misère mais on a énormément de pouvoir parce qu’on produit et qu’on maîtrise tout le processus, de la graine au légume. C’est ça qui nous rend insupportables […]. On a du pouvoir et de l’autonomie : une liberté incroyable ! »
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