Molière 2024 : Aram et Dedienne récompensés, Rachida Dati égratignée… Ce qu’il faut retenir de la cérémonie

Caroline Vigneaux, maîtresse de cérémonie des Molières 2024

Caroline Vigneaux, maîtresse de cérémonie des Molières 2024 THOMAS SAMSON / AFP

Orchestrée par l’humoriste Caroline Vigneaux, la 35e cérémonie de célébration du spectacle vivant était placée sous le signe de l’engagement. Dix-neuf trophées au total et un palmarès diversifié, plutôt réjouissant.

Du fond et de l’humour, du rythme et de l’émotion : voilà le précieux sésame après lequel courent tous les maîtres (et trop rares maîtresses) de cérémonie des Molières depuis trois décennies. Un exercice casse-gueule pour lequel les prétendants ne se bousculent pas. Caroline Vigneaux a dit oui. Elle fut avocate, elle est humoriste, cette soirée elle la voulait festive et engagée. Elle a plutôt bien conjugué les deux, sans éviter les longueurs : 2h45 au total, même avec la meilleure volonté du monde, c’est l’assurance de perdre des spectateurs en route, puisque la cérémonie des Molières est une émission de télé autant (avant ?) qu’un spectacle. L’audience fut bien en deçà des espérances : 1,02 million de personnes soit 6,8 % seulement…

La comédienne a fait son entrée en fanfare, grosse caisse vissée à la taille, accompagnée des sapeurs-pompiers de Paris, dans un medley qui réunissait Miley Cyrus, Dua Lipa et le générique de « Champs-Elysées ». Deux règles – intenables – avaient été fixées en préambule aux lauréats :

Publicité

  • Une interdiction : remercier ses parents, sa femme, son chien, sa cousine Paulette.
  • Une recommandation : livrer une anecdote, un souvenir, une émotion.

Une injonction aussi : ne pas dépasser la minute de prise de parole au risque d’être interrompu par Ernesto, chanteur lyrique et burlesque. Inutile de dire que personne ou presque n’a respecté le mot d’ordre, le contournant par des « Je pense à…  » « Ma reconnaissance va à…  » ou hurlant des « Mercis » la voix tremblante. Au premier rang des destinataires de la gratitude éternelle, maman, suivi de mamie, puis de l’amoureux(se) du primé.

Côté festif, on a noté plusieurs tentatives de secouer le public des Folies Bergère, plutôt moins endormi qu’à l’accoutumée : Les Epis Noirs et leur chansonnette sur les seconds rôles, les circassiens belges de Back Pocket, un soupçon de magie approximative et de mentalisme et une invitation pas complètement suivie à se dandiner sur scène, en fin de cérémonie, au son du DJ Sly Johnson, compositeur de la musique de « Passeport », dernier spectacle d’Alexis Michalik.

Pour ce qui est de l’engagement, les femmes ont constitué le fil rouge d’une soirée où, dans la foulée d’un message de l’AAFA (Actrices et Acteurs de France associés) affichant « Vous n’êtes pas seul.e.s », un groupe de femmes a entonné « Mais qu’est-ce qu’il a mon corps de femme ? ». La maîtresse de cérémonie a clamé son féminisme (« qui aime les hommes ») et son droit de se balader sans soutien-gorge, ou ironisé sur la singularité de Bruno Solo « un homme capable d’avoir une vraie carrière sans agresser de femmes ».

Publicité

Signal fort, la consécration d’Eva Rami pour le meilleur seule en scène au poignant « Va aimer » où elle dénonce l’inceste qu’elle a subi. Mais il fut aussi question du Proche-Orient (dans une prise de parole marquante de Sophia Aram, dénonçant le silence assourdissant ayant suivi les massacres du 7 octobre), et de l’intermittence menacée.

Hormis la brève allocution obligée du représentant de la CGT Spectacle, Caroline Vigneaux n’a pas hésité à tancer Rachida Dati, quant aux franches coupes budgétaires promises à la culture :

« Vous nous récupérez les 204 millions, vous ne touchez pas à l’intermittence, et on vous libère à temps pour être prête pour la mairie de Paris. Deal ? »

« Si les gens allaient bien, ils n’iraient pas au théâtre »

Malgré l’énergie débridée de Madame Loyal, la soirée a subi quelques coups de mou, et notamment la (trop) longue tirade d’Eric-Emmanuel Schmitt remettant le Molière d’honneur à Francis Huster. L’auteur n’a pas hésité à clamer : « Francis Huster EST le théâââtre » osant même : « Il était le jeune premier de mon adolescence, il n’est plus jeune mais est toujours le premier. »

Publicité

Et le palmarès dans tout ça ? Pas de franc plébiscite pour l’un des spectacles en lice, mais des prix plutôt dispersés pour des lauréats variés. Le trophée mérité du meilleur acteur dans un spectacle privé est allé à Vincent Dedienne pour son ébouriffante prestation dans « Un chapeau de paille d’Italie » orchestré par Alain Françon. La septième fois fut enfin la bonne : c’est Cristiana Reali qui a raflé la statuette pour son rôle de Blanche dans « Un tramway nommé désir ». Côté théâtre public, le royal Micha Lescot a vu couronner sa prestation en Richard II et Vanessa Cailhol a triomphé pour son rôle dans « Courgette », là où on aurait attendu – et aimé Marina Hands ou Emmanuelle Bercot.

Réjouissant, le doublé du désopilant Rudy Milstein, meilleur auteur francophone et meilleur spectacle de comédie qui, fidèle à sa joie de vivre légendaire s’est fendu d’un magnifique :

« On a tous des vies de merde, on va tous mourir. Tant mieux. Si les gens allaient bien, ils n’iraient pas au théâtre. »

Comme l’an dernier avec « les Poupées persanes » c’est « 4 211 km » un spectacle sur l’Iran qui a gagné le Molière du meilleur spectacle privé, dédié par son autrice à « tous les exilés, déracinés et ceux qui se battent pour la liberté » qui a également rendu hommage au rappeur iranien Toomaj Salehi, condamné à mort pour une chanson.

Publicité

Vous vous sentez dérouté par l’actu ?

Découvrez le Best Obs : chaque samedi, un billet et les six articles de la rédaction qu’il ne fallait pas manquer.

Enfin, côté théâtre public, la prime est allée à l’audace et la fantaisie du Munstrum théâtre, pour « 40 ° sous zéro », vibrionnante adaptation de Copi signée Louis Arène. Et son comparse, cofondateur de la compagnie, acteur et metteur en scène Lionel Lingelser de clamer : « Souriez, je vous en supplie. »

Sur le sujet Théâtre

Sur le sujet Culture

Sujets associés à l'article

Annuler