Carte blanche 

Averroès et Stanislas : le « deux poids, deux mesures » du gouvernement

Saïd Benmouffok

CHRONIQUE DE LA BATAILLE CULTURELLE. Malgré de vives critiques sur cette décision, le lycée musulman Averroès a été privé de son contrat d’association avec l’Etat, au motif que des enseignements y seraient en contradiction avec les valeurs républicaines. Pourquoi le lycée catholique Stanislas ne subit-il pas le même traitement ?

Cet article est une carte blanche, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.

L’attention des pouvoirs publics et des médias s’est récemment focalisée sur deux lycées privés sous contrat, mettant en lumière une inquiétante disparité dans le traitement de ces établissements. Le lycée musulman Averroès à Lille et le lycée catholique Stanislas du 6e arrondissement de Paris ont tous deux été sous les feux des projecteurs, mais les réactions des autorités soulignent un contraste frappant.

Le 10 décembre dernier, le lycée Averroès a été privé de son contrat d’association avec l’Etat par le préfet de région des Hauts-de-France. Cette décision, surprenante pour un établissement réputé pour ses excellents résultats au baccalauréat (100 % de réussite) et son engagement pour l’équité sociale (50 % d’élèves boursiers), a suscité de vives critiques. Pierre Mathiot, directeur de Sciences-Po Lille, a qualifié cette rupture d’« inéquitable et disproportionnée ». Des analyses pointent du doigt le rapport préfectoral, accusé de contenir des arguments contestables et des mensonges par omission, notamment en citant des sources douteuses et en négligeant des éléments cruciaux.

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La contradiction est flagrante avec le traitement fait au lycée catholique Stanislas à Paris, l’un des établissements les plus prestigieux du pays, qui accueille majoritairement des publics très favorisés. Une enquête de l’IGESR réalisée en 2023, dévoilée par Mediapart, a recensé de graves dysfonctionnements internes, potentiellement en infraction avec la législation. Les élèves sont contraints de suivre une heure de catéchèse par semaine, avec des intervenants propageant des discours homophobes, anti-avortement et prônant les thérapies de conversion.

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Les autres cours, notamment de SVT ou d’enseignement moral et civique, révèlent des dérives majeures. Certaines pédagogies mises en œuvres sont jugées « violentes » ou « humiliantes ». Le sexisme et l’homophobie semblent être également en vogue au sein de l’établissement. L’obsession de la chasteté pousse au contrôle absolu du corps féminin : « La mission relève sur vingt ans une préoccupation constante de l’apparence du corps féminin, qu’il faut cacher : vêtements opaques, épaules (couvertes), ventre (hauts sur le bas des hanches), cuisses (longueur des jupes et des robes), poitrine (pas de décolletés). Ce niveau de détails relève du sexisme. Il renvoie la jeune fille à une image sexuelle de son corps qui attire et perturbe les garçons. »

Malgré ces découvertes inquiétantes, le ministère de l’Education nationale a choisi le silence face aux agissements du lycée Stanislas. Le rapport de l’IGESR, maintenu secret par Gabriel Attal, contraste avec son offensive et son intransigeance sur la question de l’abaya. La nouvelle ministre, Amélie Oudéa-Castéra, a péniblement reconnu l’existence d’un plan d’action et d’une quinzaine de mesures censées rétablir le lycée Stanislas dans le respect de la loi. Comment comprendre une telle différence de traitement, sinon comme l’effet d’un deux poids, deux mesures injustifiable ?

Si l’on considère que les sanctions infligées au lycée Averroès sont légitimes, alors la gravité des faits découverts à Stanislas devrait conduire l’établissement vers des mesures au moins équivalentes. Telle n’est pas l’intention de l’Etat. On peut donc parler soit d’un traitement privilégié réservé à Stanislas, soit d’une discrimination subie par Averroès. Ou peut-être s’agit-il des deux à la fois. Les mesures discrètes pour le lycée catholique, la sanction tapageuse pour lycée musulman, une certaine idée du « en même temps » portée par Emmanuel Macron.

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