Géopolitique, défense, économie : ce qu’il faut retenir du discours de Macron à la Sorbonne sur l’Union européenne

Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne, à Paris, le 25 avril 2024.

Emmanuel Macron lors de son discours à la Sorbonne, à Paris, le 25 avril 2024. JEANNE ACCORSINI/SIPA

Dans son discours à la Sorbonne ce jeudi, Emmanuel Macron a fait le bilan des cinq dernières années, louant « le travail ardent » réalisé. Sans que cela soit suffisant pour sauver l’Europe, dont la survie dépendra des « choix à prendre maintenant ».

Emmanuel Macron est entré en campagne. A moins de deux mois des élections européennes où la tête de liste de la macronie, Valérie Hayer, est à la peine dans les sondages, le président a donné ce jeudi 25 avril un « discours sur l’Europe » à l’université de la Sorbonne. Dans un amphithéâtre silencieux, il a évoqué pendant près de deux heures le bilan des cinq dernières années et sa vision pour l’avenir de l’Union européenne.

Après avoir « lou[é] le travail ardent de la Commission » européenne et « un soft power européen qui triomphe », Emmanuel Macron a déroulé ses « constats » sur l’ensemble des sujets touchant à l’Europe. Sans surprise, il a dressé un bilan sombre de l’avenir européen et appelant à « prendre des choix maintenant ». Et cela tombe bien, le président a plein de propositions qui formeront le corpus du programme de son camp en juin prochain.

Publicité

• L’Europe « peut mourir », elle risque d’être « reléguée »

« Notre Europe est mortelle » et court le « risque immense » de se retrouver « reléguée », a mis en garde le président. « Mon message d’aujourd’hui est simple (…): nous devons être lucides aujourd’hui sur le fait que notre Europe est mortelle, elle peut mourir », a-t-il déclaré. Et d’avertir que « cela dépend[ra] uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant » car « à l’horizon de la prochaine décennie, (…) le risque est immense [pour l’Europe] d’être fragilisée voire reléguée ».

A lire aussi

Le président français a notamment évoqué une Europe « dans une situation d’encerclement » face aux grandes puissances régionales et jugé que les valeurs de la « démocratie libérale » européennes étaient « de plus en plus critiquées » et « contestées ».

Pour y faire face, le président a donné sa solution :

« C’est par la puissance, la prospérité et l’humanisme qu’on donne un contenu à cette souveraineté européenne et qu’on permettra à l’Europe d’être un continent qui ne disparaît pas. »

D’ailleurs, ce concept de souveraineté européenne, revendiqué par Emmanuel Macron, s’est « imposé en Europe » depuis 2017, s’est félicité le chef de l’Etat, selon qui « rarement l’Europe n’aura autant avancé » pendant cette période malgré « une conjonction de crises », notamment la pandémie et la guerre en Ukraine. « Plus personne n’ose tellement proposer des sorties, ni de l’Europe ni de l’euro », s’est-il réjoui.

Publicité

• Une Europe qui « se fait respecter » et « assure sa sécurité »

Le président a plaidé pour une « Europe puissance », qui « se fait respecter », « assure sa sécurité » et reprend « son autonomie stratégique ». Appelant à « sortir d’une forme (…) de minorité stratégique », il a lancé :

« L’Europe puissance, c’est simple, c’est une Europe qui se fait respecter et qui assure sa sécurité, c’est une Europe qui assume d’avoir des frontières et qui les protège, c’est une Europe qui voit les risques auxquels elle est exposée et qui s’y prépare. »

Pour cela, Emmanuel Macron compte inviter dans les prochains mois « tous nos partenaires » à bâtir « une initiative européenne de défense » qui soit « crédible » face « aux missiles russes », incluant « peut-être » un bouclier antimissile européen. Il a plaidé notamment pour « une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense ». Il défend « une préférence européenne dans l’achat de matériel militaire » et soutient l’idée d’un emprunt européen pour financer cet effort de défense.

A lire aussi

Concernant le conflit en Ukraine, il a de nouveau assumé l’ambiguïté stratégique qu’il a installée en annonçant le 26 février dernier ne pas exclure l’envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien, suscitant un tollé international :

Publicité

« Si nous disons que l’Ukraine est la condition de notre sécurité, que se joue (…) la sécurité des Européens, avons-nous des limites ? Non. »

• Appel à « retrouver la maîtrise de nos frontières »

Emmanuel Macron a appelé l’Union européenne à « retrouver la maîtrise de (ses) frontières » et « à l’assumer », et a proposé « une structure politique » au niveau européen sur les sujets de migrations, de criminalité et de terrorisme.

« Si nous voulons résister à ce changement de règles, à cette escalade de la violence, à cette désinhibition des capacités sur notre continent et au-delà, nous devons nous adapter en termes de concept stratégique, de moyens et nous devons retrouver la maîtrise de nos frontières pleinement, entièrement et l’assumer », a-t-il déclaré.

Il a évoqué la création d’une « structure politique » qui permettrait de prendre, entre « pays qui la partagent », « des décisions » sur « les sujets d’immigration, de lutte contre la criminalité organisée, de terrorisme, de lutte contre le trafic de drogue ou la cybercriminalité ».

Publicité

• Révision de la politique commerciale

Emmanuel Macron a appelé à une « révision » de la politique commerciale européenne « en défendant nos intérêts » car la Chine et les Etats-Unis « ne respectent plus » les règles. « Ça ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu’elles avaient été écrites il y a quinze ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques », a-t-il tancé.

A lire aussi

Assurant que « la question européenne n’est pas une priorité » pour les Etats-Unis, il a fustigé une UE « trop lente, pas assez ambitieuse ». « Le risque est que l’Europe connaisse un décrochage », a-t-il alerté, assurant que cela conduirait à un « appauvrissement » terrible pour un continent qui finance « une forte protection sociale ».

Economiquement, il a dit souhaiter voir l’UE devenir d’ici 2030 un « leader mondial », avec des « stratégies de financement dédiées », dans cinq « secteurs stratégiques de demain » : intelligence artificielle, informatique quantique, espace, biotechnologies et « nouvelles énergies » (hydrogène, réacteurs modulaires et fusion nucléaire). Le président a également déclaré vouloir inscrire dans les traités communautaires « la préférence européenne » dans « la défense et le spatial ».

• 12 mois pour lancer l’Union des marchés de capitaux

« Il faut se donner douze mois » pour mettre en place le projet d’Union des marchés de capitaux, « pas plus parce que cela fait trop d’années qu’on le promet », a également plaidé Emmanuel Macron.

Publicité

« On a besoin de créer cette union indispensable pour pouvoir faire circuler le capital », a ajouté le président, le jour de la publication d’un rapport commandé par le ministère français de l’Economie et qui propose quatre recommandations principales pour « relancer » ce projet.

• Intégrer « un objectif de croissance voire de décarbonation »

Emmanuel Macron a plaidé ce jeudi pour intégrer dans les missions de la Banque centrale européenne (BCE) « au moins un objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation » et réclamé « un choc d’investissements communs » passant par un doublement de la capacité d’action financière de l’UE.

A lire aussi

« On ne peut pas avoir une politique monétaire dont le seul objectif est un objectif d’inflation, qui plus est dans un environnement économique où la décarbonation est un facteur d’augmentation des prix », a jugé le chef de l’Etat.

• Une « Europe de la majorité numérique à 15 ans »

Le chef de l’Etat souhaite que la majorité numérique dans l’Union européenne passe à 15 ans, et pour un « contrôle parental » de l’accès aux réseaux sociaux en dessous de cet âge.

Publicité

« Je veux défendre une Europe de la majorité numérique à 15 ans. Avant 15 ans, il doit y avoir un contrôle parental sur l’accès à cet espace numérique. Parce que c’est un accès, si on n’en contrôle pas les contenus, qui sont le fruit de tous les risques et des déformations d’esprit, qui justifient toutes les haines », a déclaré le président français.

Sur le sujet Emmanuel Macron

Sur le sujet Élections européennes

Sujets associés à l'article

Annuler